«Alors Monsieur @bembelly! On ne vous a pas entendu sur la déclaration «Apartheid social» de Manuel Valls, allô?». C’était il y a deux jours lors de ses vœux à la presse. Manuel Valls avait déclaré : «Ces derniers jours ont souligné beaucoup des maux qui rongent notre pays ou des défis que nous avons à relever. A cela, il faut ajouter toutes les fractures, les tensions (…), la relégation périurbaine, les ghettos (…) un apartheid territorial, social, ethnique, qui s’est imposé à notre pays».
Déjà de nombreuses réactions, de l’indignation à droite (pas que), des justifications à gauche, et déjà des rétropédalages. Je vais néanmoins donner mon avis puisque l’ami Ted me le demande avec ce «Monsieur @bembelly» qui me donne plus d’importance que j’en ai. Oui, émoi….
Il faut se garder d’utiliser des expressions «marqueurs d’une souffrance» pour en expliquer d’autres. L’apartheid, appliquée dès 1948 en Afrique du Sud par les Boers (nationalistes Néerlandais) est une politique dite de «développement séparé» affectant des populations selon des critères raciaux ou ethniques dans des zones géographiques déterminées. Il fut conceptualisé et mis en place en Afrique du Sud par les nationalistes (Parti national, blancs) et aboli le 30 juin 1991 après la libération de Nelson Mandela.
L’Apartheid renvoie donc à l’Afrique du Sud et à son histoire, celle des noirs des townships de Soweto. Aussi, s’y référer est tout aussi imbécile que l’utilisation d’autres marqueurs tels que «esclavage» (plus de 400 ans de traître négriere vers les Amériques) ou, « la ségrégation raciale » des noirs aux USA. Alors, l’utilisation de cette sémantique datée et localisée rouvre certaines blessures, elle est inappropriée. Les souffrances mémorielles se respectent, notre histoire récente celle de la 2ème guerre mondiale par exemple, porte elle aussi la trace d’une blessure éternelle, s’y référer pour autre chose est une profanation, c’est irrespectueux.
Au delà de l’Apartheid, c’est dans l’insidieux «s’est imposé à notre pays» que devrait se porter la polémique. Les mots ont un sens et Manuel Valls le sait, cette déclaration ne souffre pas d’une absence de préparation. Si l’on réfléchi deux secondes, ce «s’est imposé à notre pays» est lourd de sens, je m’explique. Dire par exemple « mon beauf est très malade, on doit le garder chez nous le temps de sa convalescence, c’est une situation qui s’est imposée à notre foyer» veut dire: « on ne l’a pas fait express, nous ne sommes pour rien ma femme et moi! on subit la chose etc.». Or, dans le cas des quartiers populaires, bien malin qui pourra dire que la politique (ou son absence) n’est pas responsable de la chose constatée, une autre explication est donc possible. Les choses s’imposent à nous seulement lorsqu’on a aucune emprise sur elles, ce qui n’est pas le cas pour les « quartiers difficiles« .
Pour finir, la prise de conscience est salutaire (le dire), le mot inapproprié et «l’explication» avancée est incorrecte. La «banlieue» n’est pas rose certes, elle reste néanmoins reflet de la vision qu’on a d’elle, un miroir de notre (in)action. Agir, oui, mais sans se tromper sur les causes réelles d’un tel état des lieux. Peu importe les mots? Non, ils ont un sens, et une politique (ou un dessein) ne peut se construire uniquement sur le verbe et par le biais d’une maladroite juxtaposition de mots. Agir? Oui, mais en silence si possible, c’est plus efficace je crois. Voilà pour ma contribution en Aparté avec un titre «A part TED» (Apartheid) trouvé sur twitter.
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