Hier matin, je voulais revenir sur la tribune – qui depuis à fait flop – de Manuel Valls sur Facebook avant de m’arrêter sur un point de détail: La modification de sa tribune « faiblesse des arguments » dans ce qui s’apparente désormais à un vrai ratage (politique).
Aussi, pour ne pas alourdir ce texte, on va s’arrêter sur un autre point cité par Manuel Valls: La première procédure de déchéance de nationalité instituée par la IIème République qui se réfère à l’article 8 du décret du 27 avril 1848 portant sur l’abolition de l’esclavage.
1. De l’article 8 décret du 27 avril 1848 sur l’abolition de l’esclavage…
Manuel Valls a dit: « (…) souvenons-nous que la première procédure de déchéance de nationalité a été instituée par la IIème République, à l’article 8 du décret du 27 avril 1848. Il s’agissait alors d’exclure de la République les esclavagistes qui refuseraient de se conformer à l’abolition de l’esclavage. Une mesure de déchéance après condamnation pour un crime terroriste par un tribunal indépendant n’a absolument rien à voir avec les actes discriminatoires du régime raciste et antisémite de Vichy.»
[Réponse]: D’abord une chose, on ne va pas faire à Manuel Valls le «reproche de s’égarer dans les grandes valeurs en oubliant le contexte» pour étayer son argumentaire comme il l’a fait récemment dans le JDD.

Restons dans le contexte. Face à un si long voyage intellectuel, la politesse exige que nous lisions l’article 8 cité par Manuel Valls. Il est écrit: « A l’avenir, même en pays étranger, il est interdit à tout Français de posséder, d’acheter ou de vendre des esclaves, et de participer, soit directement, soit indirectement, à tout trafic ou exploitation de ce genre. Toute infraction à ces dispositions, entraînera la perte de la qualité de citoyen français. Néanmoins, les Français qui se trouveront atteints par ces prohibitions, au moment de la promulgation du présent décret, auront un délai de trois ans pour s’y conformer. Ceux qui deviendront possesseurs d’esclaves en pays étrangers, par héritage, don ou mariage, devront, sous la même peine, les affranchir ou les aliéner dans le même délai, à partir du jour où leur possession aura commencé». L’original…


L’intention est honorable – abolition de l’esclavage -, mais difficile cependant de s’en référer pour établir une mesure coercitive en vue d’une éventuelle déchéance de nationalité. En effet, lorsqu’on dépasse le «néanmoins de l’article 8» et son « délai de 3 ans pour se conformer à la loi », lorsqu’on regarde de près les dispositions portant sur l’héritage – «les héritiers ont eux aussi un délai de 3 ans- mais – à partir du jour où leur possession aura commencé»-, on peut se demander s’il y a eu des «esclavagistes assez cons» pour tomber dans le piège «déchéance de nationalité», je vous explique – avec d’autres mots-. En gros…
«T’es esclavagiste? C’est pas grave ça se soigne, je t’explique: Désormais t’as plus intérêt de posséder des esclaves compris? c’est prohibé! [«néanmoins»], tu peux les refourguer à tes gosses, tes cousins, ta maitresse, à qui tu veux – même en pays étranger dans un délai de 3 ans à compter de 27 avril 1848. Pour tes héritiers c’est pareil, ils auront le même délai pour respecter la loi et sans cumul avec tes points détention d’esclaves! Reset, on repart à zéro mon pote! T’as pigé la combine Ducon? Et hop! Prolongation dans la détention des esclaves ni vu ni connu et vas-y que je t’embrouille!». Ah ouais, vous êtes sûr que ça va marcher? «Ben voyons, 1. tu les gardes tes esclaves et ta nationalité – et tes terres -, et c’est pas nous depuis Paris qu’on viendra te mettre les bâtons dans les trous, 2. Je suis tellement sûr qu’un jour viendra, (…) dans très longtemps, en décembre 2015 -au pif-, le 1er Conquistador-de-France nous citera en exemple pour justifier la déchéance de nationalité, on pari?» A peu près, enfin presque…
Plus sérieusement. Se référer à cette « Grande valeur de la Gauche passéiste » pour contredire «l’inspiration FN» de la déchéance de nationalité est une maladresse qui contraste avec l’enthousiasme affiché du Front national, désormais honoré par le maintien du dispositif dans la révision constitutionnelle. Et les « déchéances de nationalité avérées » qui marquent cette filiation sont de fraiches dates, les références à Vichy ne sont pas contestables, à ce jour seul Vichy a retiré sa nationalité à des français de naissance: « Entre 1940 et 1944, environ 7000 Français de confession juive seront déchus de leur nationalité, soit 78 % des dossiers examinés. Cette déchéance était bien souvent la première étape avant la déportation. Il faut y ajouter les 110 000 Juifs d’Algérie, dénaturalisés collectivement en octobre 1940 par l’abrogation d’un décret de 1870 leur attribuant la nationalité française. En Allemagne, Albert Einstein ou le futur chancelier Willy Brandt -comme De Gaulle en France- avaient eux aussi été déchus de leur nationalité par les nazis » (source). La « Constitutionnalisation de bonnes intentions » peut se retourner contre la démocratie qu’elle prétend défendre, et des « gens peu démocratiques » peuvent en avoir une autre utilisation. Oui, « le contexte« , une variable. Pour compléter les références historiques, c’est contre l’opinion -et les sondages- que François Mitterrand avait aboli la peine de mort en 1981 (Ouf!)…
On peut s’étonner de l’utilisation de cette référence –Abolition de l’esclavage c’est à dire, l’extension de la Liberté – qui allait induire l’Égalité dans la République – pour justifier sa restriction pour certains binationaux nullement terroristes pour qui, l’esclavage reste et restera une souffrance, une histoire pour la Liberté, celle de la longue lutte des Neg’Marrons – 1ère révolte et revendication de l’abolition de l’esclavage le 14 août 1791– avant une première fausse abolition le 04 février 1794, puis son maintient par Napoléon Bonaparte avant l’abolition définitive le 27 avril 1848, c’est-à-dire, plus de 40 ans après l’indépendance de Haïti le 01 Janvier 1804, peut-être bien par peur de l’effet domino dans les colonies. Alors, insérer « la perte de la qualité de citoyen français des esclavagistes » dans cette Histoire, cépabien ...
L’inefficacité de la mesure dans la lutte contre le terrorisme n’est plus à démontrer, et on peut admettre que ce dispositif « déchéance de nationalité » s’apparente désormais à une nouvelle fleur de Lys -ceteris paribus– et va graver, dans le marbre de la Constitution, un fâcheux distinguo dans « la qualité de citoyen français », loin, très loin de l’Esprit de l’Article 8 du décret du 27 avril 1848. « Il faut croire en la force et en l’ouverture de la démocratie française, qui protégera toujours tous ses enfants, sans aucune distinction d’origine ou de religion« a écrit Manuel Valls, il a raison, et s’en éloigne…
Fait à Lyon, le 30 décembre 2015. M. Guy-Alain Bembelly, Nationalité Française «Option Déchéance».
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