C’est l’histoire d’un mec (…) Vous la connaissez? Non? Me dire parce que après on a l’air con. Je reprends, C’est l’histoire d’un mec (…) normal (..) enfin presque, et qui n’est pas sur le pont de l’Alma. Je sais, c’est plus rigolo quand c’est un mec « normal », mais y’a aucune raison pour que ce soit toujours les mêmes qui dérouillent…
C’est donc l’histoire d’un mec qui avait plein de p’tits noms: « noiraude, bamboula, négro, Guenon, sale noir – Nègre! mais c’est pas une insulte hein!-, bougnoule, etc . La cour de récrée à l’école c’était son bagne. Des siècles de scarifications, toute une vie. Dans la famille du mec, son arrière-arrière-arrière-grand-père était déjà lui aussi bien entaché, pas que par des mots, marqué au fer rouge du sceau du roi de France, « la fleur de Lys », celle qui accompagnait invectives et autres joyeusetés. – Ah, ça, si on sait pas, on comprend que dalle hein!– A l’époque de l’ancêtre de notre mec de l’histoire que je vous raconte, ils n’étaient pas libres les mecs, je vous explique: ils voulaient tous se barrer chez eux en Afrique, mais s’évader d’une île ou quitter les Amériques, c’était mission impossible. Une fois rattrapés, on leur disait: « Hé Négro! viens là qu’on te fasse une fleur -de Lys-! Chosifiés, ils étaient « biens meubles » malgré eux, des objets en vente sur les places du marché, des produits d’exportation. Le Roi de France et de Navarre – un mec normal pour de vrai– avait tout bien codifié dans un bouquin de plusieurs pages, « le Code Noir ». C’était pour bien expliquer aux gens dans tout le pays que «l’ancêtre du mec de notre histoire» n’était pas comme eux. Les mecs. Et là, les gens y disent – certains d’entre vous- « Ah ben, nous, on savait pas que c’est comme ça qu’on vous faisait avant. Et puis nous, vous savez … ». Oui je sais « sans vos lunettes », c’était avant toussa, etc . Passons. Dans la suite de l’histoire (« elle est pas finite» disait Coluche), dans la suite, y a maintenant plusieurs mecs: le mec, ses cousins et cousines et toute la famille. Ils avaient pris une décision:
« Ok les gens, depuis le temps qu’on se prend des tartes dans la gueule, on va vous résumer la chose, vous mâcher le boulot en gros, pour bien tout visualiser, puis on passera à autre chose. Si ça peut (vous) aider ». Graver dans le marbre ce qui désormais doit s’effacer (...) Porter de façon très visible la marque des mots
mauxqui accompagnent nos vies. L’écrire sur nous, pas dans une langue nègre mais dans la vôtre, une lecture conseillée, pour enfin l’effacer»
Avec beaucoup de Cran, ils se sont fait des scarifications partout sur le corps pour externaliser le mal.
«Tu crois que ça va marcher? » demande le cousin du mec. « Bah, pas sûr, faut voir… ». Et si ça ne marche pas on fait quoi? « Bin, on passera au « Plan B », option machine à baffes!». Tiens, Hadama Traoré du Val d’Oise est désigné volontaire au cas où, je dis ça je dis rien. Alors? Elle « est rigolote, hein »?
Bref, c’est « l’histoire d’un mec », normal, enfin presque. Moi.
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