Eugene James Bullard, «l’hirondelle noire» du printemps de l’aviation française en 14-18.

L’ami Romain P. nous fait découvrir « la vie dingue d’un engagé volontaire » dans l’armée française lors de la 1ère guerre mondiale, et demande: « Un producteur pour en faire un film?». Oui, sur une vie au service de la France, à retracer dans un film, ou dans ce billet de blog pour commencer. Aussi, Lady & Gentleman, Monsieur Eugene James Bullard dit «l’hirondelle noire» !

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Tadam! Oui, c’est à nouveau l’histoire d’un mec, normal, enfin presque. Fils d’un martiniquais né esclave, il est originaire de Columbus en Géorgie. Nous sommes dans les années 1890.  Enfant, il est témoin du lynchage de son père, quitte le foyer familial vers l’âge de huit ans pour échapper aux discriminations raciales avec l’intention de partir loin de cette Amérique ségrégationniste.  Son père lui avait dit un jour: « En France, un homme est jugé pour son mérite et non pas pour la couleur de sa peau». Une phrase qui le marquera. Après 2 années d’errance avec des gens du voyage avec lesquels il apprend l’équitation, il embarque depuis Norfolk en Virginie à bord d’un bateau à vapeur allemand pour l’Écosse en Europe, en 1912. Au Royaume-Uni, il travaille comme «cible vivante» dans une foire à Liverpool, prend des cours de boxe, puis fait le voyage à Paris en 1913 pour disputer un match à l’Élysée Montmartre. Il décide d’y vivre, dans son futur désirable, – sans allocs-, là où son père voulait qu’il soit, c-à-d, dans « un pays où un homme était jugé pour son mérite et non pas pour la couleur de sa peau». mais ça, c’était avant! Passons.

Quand la guerre éclate en octobre 1914, Eugène JamesBullard n’avait pas encore l’âge de s’engager. Volontaire, il se vieillit d’un an tout seul comme un grand, déclarant être né en 1894 pour s’engager dans la Légion étrangère française afin participer à la 1ère Guerre Mondiale. Fallait oser. Matricule 19/33.717, il est aussitôt envoyé dans la zone de combats, dans la Somme. Oui, il y était le mec! Normal (presque), en Champagne et à Verdun! (une pensée pour BlackM en passant, et pour ceux qui ne l’avaient pas soutenu lorsque les fachos & les #identi du Printemps dit «Républicain» l’avaient conjointement chahuté au nom de la France française (sic), ils doivent avoir l’air con en lisant ces lignes). Blessé en mars 1916, en convalescence chez nous à Lyon, il est cité à l’ordre du régiment en 1917 et se voit décerner la croix de Guerre. [Jusque là, ça va les gens ? Je termine].

Blessé et déclaré inapte pour l’infanterie, Eugene Jacques (ex James) Bullard continue le combat. Intégré dans l’aéronautique militaire française en octobre 1916, il est Mitrailleur à Cazaux, élève-pilote à Dijon, Tours, Châteauroux et Avord, puis affecté au 5e groupe de Chasse dans l’armée de l’air française, effectue une vingtaine de missions aériennes et devient, avec l’ottoman Ahmet Ali Celikten [on va dire « un arabe» pour emmerder les fachos»], l’un des deux premiers pilotes de chasse noirs de l’Histoire de la France. Dans les airs avec sa mascotte -un singe nommé Jimmy – la devise inscrite sur le fuselage de son avion était déjà un « message de service » comme on dit de nos jours. « All blood runs red » Trad. « tout sang coule rouge ».

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Août 1917, lors de l’entrée en guerre des États-Unis, l’United States Army Air Service refuse de l’enrôler à cause de sa couleur de peau. – les cons, son père avait raison « la France c’était mieux pour les noirs ». Avant. – depuis, il y a eu l’Amérique d’Obama, un Président noir-. Déclaré médicalement inapte au vol par Edmunds Gros – & frisé-, le médecin américain chargé d’organiser l’aéronautique américaine en liaison avec le général Pershing  – ils ne voulaient pas d’un noir-, il est réaffecté au camp de La Fontaine du Berger en 1918 dans le Puy-de-Dôme jusqu’à l’armistice de 1918. Démobilisé, il se fixe à Paris – pas que pour les gonzesses-. Musicien de Jazz dans des boites de nuits de Pigalle à Paris, il reprend le Cabaret Le Grand Duc, 52 rue Jean-Baptiste-Pigalle,à l’angle des rues Fontaine et Pigalle-, le revend au début des années trente pour ouvrir un bar, L’Escadrille au 15, rue Fontaine. Figure majeure du jazz et des nuits de Paname, il compte Joséphine Baker, Louis Armstrong ou Langston Hughes, parmi ses amis. Il a aussi créé un gymnase 15 rue Emile Mansart, dans le 9è à Paris.

De son mariage avec Marcelle Straumann, il a eu deux filles (Jacqueline et Lolita) et un garçon. Peu après sa démobilisation, Eugène Bullard est en butte aux attaques racistes de la communauté américaine de Paris qui ne lui pardonne pas d’avoir été pilote de chasse. «Quoi? un noir pilote de chasse? Oh My God!» Bref, ils avaient du mal à l’accepter. Agressions verbales ou physiques, il était redevenu «un nègre».

En 1939 commence la Seconde Guerre mondiale, « Herr Bullard » – il parlait allemand-, est recruté par le service de contre-espionnage français pour surveiller les allemands fréquentant son bar parisien, L’Escadrille. Pendant l’invasion de la France par l’Allemagne nazie, il est incorporé comme mitrailleur dans le 51e régiment d’infanterie à Orléans, participe aux combats pour défendre la ville. Blessé, il est évacué à New York pour soigner sa blessure. Étranger dans son pays natal où ses exploits sont ignorés et minimisés, il revit dans la ségrégation raciale. Après la deuxième Guerre Mondiale – donc deux Guerres mondiales à son actif, pour la France, on note?-, il devient vendeur en parfumerie, gardien de sécurité, manutentionnaire, interprète, et tente vainement de remonter un nightclub à Paris – tu parles-. Deviendra plus tard un ardent militant de la France libre à travers l’organisation Gaulliste France Forever, sera invité à Paris pour ranimer la flamme de la tombe du soldat inconnu sous l’Arc de triomphe en 1954.

Gaulliste noir & Patriote (un vrai de vrai), il est fait Chevalier de la Légion d’honneur en 1959 par le Général de Gaulle en personne qui le qualifie de «véritable héros français». #LeSaviezTu? Non. Normal mec, c’est pas dans les livres d’Histoire, ni dans les manuels scolaires. Multi-distingué: Chevalier de la Légion d’honneur, Médaille militaire, Croix de guerre 1914-1918, Croix du combattant volontaire 1914-1918, Croix de guerre 1939-1945, Médaille des blessés militaires, Médaille commémorative de la guerre 1914-1918, Médaille interalliée 1914-1918, dite de la Victoire, Médaille engagé volontaire, Médaille commémorative de la bataille de Verdun, Médaille commémorative de la bataille de la Somme, Médaille commémorative de la guerre 1939-1945, Médaille commémorative des services volontaires de la France libre, Médaille des volontaires américains avec l’Armée Française (American Volunteer with French Army Medal), etc, Eugene Jacques Bullard passera les dernières années de sa vie dans l’anonymat et dans la pauvreté à New York où il meurt le 12 octobre 1961. Il est enterré dans son uniforme de légionnaire, avec tous les honneurs militaires par des officiers français dans la section des vétérans de la guerre française du cimetière de Flushing, dans le Queens à New York. Trente ans après sa mort, et soixante-quatorze ans après son rejet par l’U.S. Service en 1917, il est promu à titre posthume au grade de sous-lieutenant (second lieutenant) de l’United States Air Force grâce à l’intervention de Colin Powell,  (presque normal lui aussi) alors chef d’état-major des armées américaines. Sa vie est exposé au National Museum of the US Air Force.

En 2012, l’historien et cinéaste Claude Ribbe lui consacre un récit biographique – Eugene Bullard (éd. du Cherche midi) – avec de nombreuses précisions sur cette signature qui mérite de sortir de l’ombre.

Une hirondelle, un oiseau migrateur venu des États-Unis, un héros de guerre qui s’est illustré lors de la 1ère guerre mondiale avant de remettre une couche dans la Deuxième. Mort dans l’anonymat, Eugene Jacques Bullard est un héros de cette douce France qu’il a  protégé sur terre comme dans les airs. Comme le Chevalier de Saint-George [1745-1799] – 1er noir à la cour du Roi-, Raphaël Élizé – noir & Maire de Sablé-sur-Sarthe (1929), ou  encore Severiano de Heredia, Noir et Maire de Paris (1879), leur faire une petite place dans nos manuels d’histoire serait un moindre mal. Et pourquoi pas un film? Pour visualiser en 3D le fait que la France est aussi le fait d’hommes & femmes venus d’ailleurs, d’hirondelles de toutes les couleurs de l’Arc-en-ciel.

Mais ça, si tu ne sais pas, c’est une « autre histoire »….

(Merci Romain)

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4 réflexions au sujet de « Eugene James Bullard, «l’hirondelle noire» du printemps de l’aviation française en 14-18. »

  1. Henry Scott Harris a écrit sa biographie, All Blood Rund Red. Dans une conférence sur Eugene Bullard, il racontait comment il en était venu à s’intéresser à lui : il visitait un musée, où deux Américains, devant un mannequin habillé en pilote avec un tas de décorations, exprimaient l’opinion que c’était impossible qu’un Noir ait pu être pilote, vu que les Noirs n’avaient pas de cerveau. Lui s’est dit « mais qui est ce type », et cherchant à en savoir plus, découvrant anecdotes, hauts faits, a fini par se passionner pour le personnage et écrire cette biographie, qui n’a jamais été traduite en français.
    La conférence d’Henry Scott Harris : https://www.youtube.com/watch?v=ZSYjzjAdSs4

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