#BlackPanther ou l’exaltation critique du monde noir: De l’Afrique, des «racines & des ailes»

DT3EuO_UQAA4RjiCe dimanche 11h 00, pour me voir en « héros » comme le chante Kendric Lamar dans la bande annonce de BlackPanther, je suis allé au Ciné et j’ai vu. Dans l’obscurité de cette salle du Pathé Vaise et juste après le générique de ce blockbuster, j’ai traversé le grand écran pour une immersion totale dans ce «merveilleux pays imaginaire et imagé» qu’est le Wakanda. MarvelStudios m’a livré, pour 8,20 euros la séance, une réflexion que je vous propose. Viens chez moi, j’habite un culte désaffecté

Une fois passée le prisme de la référence « clin d’œil au mouvement des BlackPanthers » pour les droits civiques des noirs américains, le film installe progressivement une réflexion inclusive sur l’Afrique, il détaille ce qu’elle est, disons, ce qu’elle aurait dû être sans la traître négrière et la colonisation. Dans l’obscurité de la salle, les imperfections sur l’Afrique s’estompent progressivement, et le film de nous interroger sur la relation de l’Afrique avec elle-même, c’est à dire, sa capacité à devenir matrice d’une diaspora éparpillée à travers le monde. De l’Exode, « à l’insu de son plein gré » d’abord, désormais pour bien d’autres raisons mais toujours «à l’insu de son gré» du partant. Passons. Le « Wakanda », cette Afrique « des racines et des ailes » où il est «difficile pour un homme bon d’être Roi», celle dotée de richesses infinies n’est pas que le fruit d’une imagination hollywoodienne, elle est et peut être  un acteur majeur de sa propre émancipation.

S’opposent je disais, deux «Afrique»: 1. Celle déportée vers les Amériques et incarnée avec talent par KillMonger, fils de l’exilé qui, dans sa déchéance et sa quête d’identité, griffonne au fil de sa vie un « cahier d’un retour au Pays Wakanda », celle de son père mort aux USA et au cœur d’un terrible secret de famille. Pour ce fils Kunta Kinté, toute une vie de discrimination et de rancœur, et une seule envie: Rentrer chez lui pour admirer les plus beaux couchers du soleil du monde, assouvir cette soif de vengeance et réaliser le rêve du Père, à savoir, mettre à disposition de ses «frères Toby» toute la puissance Wakanda pour sortir du cycle infernal, en finir avec l’éternelle humiliation. Sa philosophie de vie: « Plutôt mourir que d’accepter de porter les chaines de la servitude » comme le clamaient jadis les « esclaves NegMarrons » dans les Caraïbes.

 

 

 

2. L’autre Afrique, le « Wakanda », puissante et insoumise (ne pas voir une référence à l’Ethiopie le seul territoire du continent qui a résisté aux invasions occidentales serait une maladresse), une Afrique riche et prospère grâce à sa matière première (le vibranium), une Afrique loin des tribulations du monde et nullement interventionniste, avec ses rites et coutumes, ses clans et tribus, ses scarifications Toposa des tribus Éthiopiennes ou du Sud Soudan (visibles sur le visage de W’Kabi, ou adroitement juxtaposés tels des trophées de chasse sur le corps guerrier KillMonger), une Afrique Bantoue ou Zulu dans ses intonations Xhosas (langue à clic « click Song« , Cf « les Dieux sont tombés sur la tête« ), une Afrique BaouléMalinké, Dogon ou Soninké. Bref, un film patchwork sur une démocratie très codifiée où l’on découvre des rites de successions musclées, une Afrique guerrière, Kidjo, amazone et cœur du pouvoir. Autre allégorie et non des moindres, une « Afrique Shuri« , Mwasi, innovante, celle des fractales et du code binaire en mathématiques (ce qui a donné naissance à l’ordinateur numérique d’aujourd’hui. Mauritanie, 10ème siècle -source), sans oublier celle du savoir. Une « Afrique Suisse », neutre, fictive et non violente. Oui cette Afrique-là, ce camp d’été décolonnial et non-mixte (coucou!), celle qui s’offre aux regards des spectateurs sur les 2h15 mn du film existe encore, mais elle ne le sait pas.  Elle s’ignore…

 

 

 

Dans cette invitation au voyage, s’affiche aussi une dichotomie qui n’est pas sans rappeler l’antinomie existante entre El Shabbaz Malcon X et Martin Lutter King , c’est à dire, un « Je t’aime moi non plus » entre le « nègre des champs«  et l’apôtre de la non-violence. Deux #BlackPanthers là aussi, déjà, pour deux mondes opposés sur la forme  et en même temps fusionnels sur le fond. Dans le combat de titans qui devance le générique de fin, le «méchant» est tout aussi BlackPanther que le «gentil», voire plus. La question posée dans le film est celle de savoir qui endosse quel costume. Le film reste quoi qu’il en soit, un enchantement visuel où se côtoient plusieurs univers, celui du fabuleux destin raté de l’Afrique et celui de l’« Afrique-Wakanda », celle d’aujourd’hui, toujours riche en « vibranium ( en cobalt indispensable pour les smartphones du monde) mais toujours aussi pauvre. Un vieux paradoxe…

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Et qu’on se le dise, #BlackPanther révèle avec talent et beaucoup d’approximations, la complexité du monde noir. C’est une critique exaltée de l’Afrique sans dédain ni à priori, un film qui « l’héroïse », l’interpelle et la rend belle sans pour autant masquer ses imperfections & aspérités. C’est un miroir, un beau miroir, faudrait encore que « la valorisée  Afrique » accepte de se  refaire une beauté…

[Post Scriptum: Oubliez mon avis et filez au cinéma, vous verrez un autre « #BlackPanther », le vôtre et c’est tout ce qui compte. Sauf si vous avez peur du « noir »]. Oui, « Boma mwinda, misso étiko’yoka soni ».

Black Pantherfilm de : Ryan Coogler (USA), avec: Avec: Chadwick Boseman, Michael B. Jordan, Lupita Nyong’o, Danai Gurira, Daniel Kaluuya, Letitia Wright, Forrest Whitaker, Angela Bisset, Issac de BankoléGenre : Action, Science-Fiction, Aventure, Fantastique. Durée : 2h14

PS: Je vous mets mon billet que ça va faire un carton en Afrique, grave. Et du coup j’y retourne, au Ciné. À voir et à revoir.

./…

 

8 réflexions au sujet de « #BlackPanther ou l’exaltation critique du monde noir: De l’Afrique, des «racines & des ailes» »

  1. @Rosaelle : je vois qu’on aime les gros durs….

    Plus sérieusement :

    Comme j’ai pu le dire dans un tweet, je m’étais la même réflexion sur le côté « Suisse » du Wakanda et aussi sur les ressources africaines spoliées par les pays dit développés, voire sur-développés. Super angle je trouve. Je ne sais si ça se retrouve dans les BD Marvel (sous)traitant ce héros que j’avoue découvrir. (désolé, j’ai un trou de près de 25 ans au niveau culturel). Concernant le film en lui même, sur le fond, à part les mièvreries américano-gonflantes (vers la fin), rien à redire sur ce que l’Amigo GAB pointe en référence et n’hésite pas à à dégommer gentiment mais pertinemment (Malcolm, Martin…) le mal pour un bien et inversement, le « je ne me mêle pas de tout de peur de tout faire mal (grosso merdo)) ce film (je n’ai pas vu les 2h passer, en 3D qui plus est) est un régal. Les acteurs sont top, même le pâle ricain de services un peu niais alors qu’il est ancien pilote d’élite… hu hu hu… les décors sont somptueux, et pour avoir lu pas mal d’articles sur la genèse du film j’avoue avoir été bluffé… De plus, et pour terminer ce commentaire, avoir fait en sorte que 95% de celles et ceux qui ont contribué au film, tant sur le fond que sur la forme, à tout niveau, ait été des « Black » c’est un beau pied de nez à l’Amérique de Trump.

    Merci GAB pour cette fabuleuse critique enrichissante à tout niveau.

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    1. le « Monde imaginaire » est et reste une fascination. Sur ce film, plusieurs lectures sont possibles. Merci pour ton commentaire Ervé.

      [Ah au fait, Y a des Salles de Ciné chez led #BonnetsRouges? Sérieux? 😂😂😃😃😄. Et vive la Bretagne! ]

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  2. Je n’ai pas encore vu ce film. On peut rappeler ce film disponible sur le net: « The Ambassador ».
    Extraits:

    Centrafrique. Contre jour entre un discours de F. Hollande et les confidences de Guy-Jean Le Foll, chargé de mission auprès du chef de l’État François Bozizé, en 2011:

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