Neige et Grand froid : J’écrirai ma lettre à l’Abbé Pierre…

Prolégomènes. Il fait chaud ce matin, je discute gaiement avec mes enfants sur leur absence au collège de ce jour. Je dois les excuser auprès de la CPE. On organise en famille la journée des révisions et les loisirs. Ca va être une agréable journée. L’odeur de pur arabica me retient dans ma cuisine, je traine des pieds […]
J’ai froid. emmitouflé dans mon Duffle-coat, gants et bonnet de rigueur, je dois aller travailler. Je vais marcher une bonne demi-heure, la circulation est perturbée. Non, il n’y a pas grève des transports en commun, il neige.
Il a neigé toute la nuit, 15 cm de poudreuse. L’arrêté préfectoral de la veille préconisait une grande prudence dans les transports et recommande de ne pas prendre sa voiture si possible. Je vais donc affronter la neige, le froid glacial de ce mois de décembre. Je ne suis pas à plaindre, j’aime ce temps qui annonce les fêtes de fin d’année, j’aime ce mois de décembre sous les illuminations. Mes enfants aussi, particulièrement pour les joutes de boule de neige, les descentes en luge le long des pentes de notre résidence.
La ville, blanche, illuminée annonçait-déjà la désormais ‘’ fête des lumières’’. Sur mon parcours escarpé de poudreuse, une vision agréable, la nature qui s’offre à ma vision est une grande fresque fait d’ombre et de lumières. Lumière du soleil sur les branches des arbres recouvertes de neige, reflets cristallins des stalactites façonnées par le froid et par les ruissèlements de neige fondue.
Un féerie. La nature devient toile de maître avec ses couleurs ocre jaune, bleu plaisir, gris arc-en ciel, on les imagine, on les invente. Les senteurs de sapins aux effluves du vent caressent ma peau à peine réveillée, je marchais dans mes rêves d’antan l’âme accrochée à ce voyage imaginaire, à ce menu plaisir.
Le long de ma route tracée par la petite circulation, des piétons de tous âges, des voitures embourbées, ‘’abandonnées’’ par leurs propriétaires redevenus piétons. Certains empruntaient le tunnel-de-Balmont normalement réservé aux bus et taxis, une voie piétonne qui d’habitude permettait de rallier la Gare de Vaise, la porte d’entrée de Lyon par l’Ouest.
Au détour d’une rue sous un porche dormait encore un sans-abri. Son regard etait vide, ses traits tirés, il avait passé une sale soirée, je devine. Ce regard livide m’a sorti de ma boule de neige. J’ai pensée à Simon, l’ami clochard de @jegoun décrit dans son billet de la veille (Partageons mon avis : Le gel et le clochard). Non ce n’était pas lui, il lui ressemblait avec ce regard lourd comme me disant: »ce n’est pas un coup de froid qui me tuera, mais d’avoir vécu » -Willa Cather-. Il puait l’alcool, l’odeur était si forte que même les fragrances des sapins des alentours n’y pouvaient rien.
J’ai pensé à tous ceux qui n’avaient pas eu la chance de vivre mon réveil matinal attablé dans ma cuisine devant ma tasse de café, entouré de ma famille. J’ai seulement pensé, et j’ai repris ma route. Je n’ai rien fait. Que pouvais-je faire? Je suis comme de nombreux français choqués par cette situation récurrente, inactifs, impuissants, coupables.
Non, cette vidéo ne date pas d’hier. Sentiment de culpabilité, révolte morale et intellectuelle, envie de faire ce présent billet. Plusieurs pistes possibles: Dénoncer les faits, accuser les politiques sociales du gouvernement Sarkozy depuis 2007, ou vous vous donner à revoir cet extrait du journal de France 3 en 2009.
Le bonheur de ma matinée s’est fondu dans la culpabilité. Suis-je coupable d’inaction? Certainement, peut-etre bien, même si au fond de ma personne, une voix s’élève pour me rassurer, me convaincre que ceci est de la responsabilité des seuls politiques, des associations, des mairies et autres collectivités locales. En clair, c’est la faute des autres, pas la mienne.
Pour me redonner du baume au cœur, j’ai pensé écrire une lettre, non pas au Père Noël mais à l’abbé Pierre… Dans cette lettre écrite dans ma mémoire, je lui dirai ce qui passe depuis son départ le 22 janvier 2007.

Je l’informerai de l’état social de la France en 2010, des politiques soit disant mises en place pour endiguer ce fléau qu’il a combattu sa vie entière. Je lui parlerai de la loi SRU sur le logement social, des combats de l’association Droit au logement (DAL), de sa difficulté à faire valoir ce que de droit. Surtout, pour le soulager je lui dirai qu’on a peut être trouvé son successeur, Augustin Legrand, le porte parole des Enfants de Don Quichotte.
Je n’oublierai pas de lui décrire le parcours de Martin Hirsch, je lui dirai que l’ancien président d’Emmaüs France et de l’Agence nouvelle des solidarités actives, a occupé de 2007 à 2010 le poste de Haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté au sein du gouvernement Fillon. Il apprendra qu’on a en France mis en place le Revenu de solidarité active, le Droit au Logement, et finalement les choses n’ont pas vraiment changé. Si, la situation s’est dégradée…
Puis, après réflexion, j’ai pensé que toutes ces mauvaises nouvelles ne faciliteraient pas son repos mérité. Je m’abstiendrai et ne parlerait que de la formidable compagne des Restos du Cœur de Coluche.
Edit, 05 Août 2012: Je lui dirai qu’on a viré Sarko le 06 mai dernier. une bonne nouvelle qui devrait le réjouir en ce jour de son centenaire de naissance.
Enfin, j’arrive devant mon lieu de travail, la buée sur les vitres de l’établissement est un appel chaleureux que je ne peux refuser. Je vais travailler, à l’abri du froid et promis : je l’écrirai, ma lettre à l’abbé Pierre, avec celle du Père Noël…