Intuitus mentis: « Les microbes ne tuent pas les noirs »…

Non, ce ne sont pas les propos d’un occidental déjanté, ni ceux d’un anthropologue du dimanche, c’est, comment dire, une élucubration africaine très largement partagée et j’ai grandi avec: « Les microbes ne tuent pas les noirs (…) sinon nous serions tous déjà morts ».

Les Noirs et les microbes

Donc, j’ai eu beaucoup de chance puisque vous lisez ce billet. En Afrique, «ce sont les sorciers qui nous bouffent», autre affirmation «Moyenâgeuse» comme l’écrit Lubabu Tshitengue (Jeune–Afrique). Peut-être bien que oui, peut-être bien que non. Ce «peur des microbes, moi jamais» peut s’expliquer par le simple refus de «mourir d’inquiétude», notre « intuitus mentis » à la Descartes, voire un instinct convenable (Leibniz). Oui, (trop) s’inquiéter n’est pas une recommandation médicale, je crois

« Si le plus beau des bonheurs est celui de l’insouciance, alors mourir bête est la plus belle des morts » écrivait un philosophe inconnu. Intelligent (on va dire ça), j’ai survécu à cette «douce insouciance» et depuis, j’ai rencontré «d’autres microbes», de vrais microbes, sur le Web, mais pas que, et toujours sans inquiétude. «Les microbes ne tuent pas les noirs», et les créoles disent: «Tou sa ki pa’a tyouyé ka angrésé» Tout ce qui ne tue pas engraisse-. C’est très certainement une attitude imbécile me diront certains, mais tout aussi inconsciente qu’une immunité qui vous protège (ou pas)

(…)

Extimité…

Extimité Cathédrale[Relire]. A défaut d’aimer l’orthographe, ne pas s’empêcher d’apprécier les mots, les ériger en cathédrale. Je vous en propose un: Extimité.

C’est l’extériorisation de l’intimité, de notre intimité. À l’ère des réseaux sociaux, on extimise à tout va, sur Googleplus, Facebook, Twitter, instagram, kweeper, en plus de la géolocalisation, etc.  «J’extimise donc je suis» semble être la donne pour un nouvel affectio societatis. La palette s’élargit avec la  publication du patrimoine, la transparence recherchée, extimités (politiques)

L’extimisation est avant tout une volonté personnelle, une action libre, un nouveau syndrome social. Je n’en suis pas l’auteur. Proposée par Jacques Lacan en 1969, l’extimité, par opposition à l’intimité, a été défini par le psychiatre Serge Tisseron en 2001 comme «le désir de rendre visibles certains aspects de soi jusque là considérés comme relevant de l’intimité».  C’est un concept qui s’applique à certains blogs, le mien par exemple. Dire  «Ce que je pense», c’est assouvir une forme d’exhibition où l’on expose tout et finalement rien d’important à part soi. Ecrire sur un blog c’est finalement se décrire soi.

On trouve «extime» sous la plume d’Albert Thibaudet dans un article de La Nouvelle Revue Française de 1923, Lettres et journaux»  (Wikip). «Extime» désigne ce qui est tourné vers le dehors, en prise sur les événements extérieurs. Ce mot est moderne car nous extimisons de plus en plus via les réseaux, peut être pour mieux apprécier notre intimité après échange, partage et les réactions  suscitées. On cherche le regard extérieur, l’appréciation des autres pour valider notre nous. S’accepter. Peut être, pour paraphraser La Rochefoucauld, parce que nous gagnerons plus de nous laisser voir tels que nous sommes, que d’essayer de paraître ce que nous ne sommes pas.

L’extimité des uns ne s’arrête pas là où commence celle des autres. Elles s’imbriquent, forment un tout, facilitent les convergences et affinités. L’extimité devient habitus, une raison sociale… Ce voyeurisme réciproque explique le succès des téléréalités par exemple, des groupes de blogs etc. Tiens, cela me fait penser à Francis Bacon, philosophe qui disait (de mémoire), Être, c’est être perçu ou percevoir. On extimise pour être social, on copyright son intimité,  keeps  your emotions alive

Ne pas oublier de respecter de l’extimité d’autrui. Je peux pour moi, pas vous. D’ailleurs, je crois que je vais changer le nom de ce blog, «Ce Que je pense » va devenir «Extimité« , en phase avec Netité, mon autre espace extime. Nouvelle dénomination en un mot avec quelques variantes: «Partageons mon extimité« , «Mon extimité t’intéresse», «Extimité en affichage libre», «Je pense donc j’extimise», «Quelques instagrams de mon extimité» etc. Le potentiel est énorme…

De facto,

Mesdames, Mesdemoiselles et Messieurs, avec votre autorisation (et c’est moi qui décide)…

Habemus «Extimité…»

Pensées extimes.